Certains assureurs pleurent l’échec des travaux sur la dépendance et sa réforme. Ils devraient s’en réjouir !

Certains assureurs pleurent l’échec des travaux sur la dépendance et sa réforme. Ils devraient s’en réjouir ! Les grands progrès en matière de produits d’assurance ne résultent que rarement des initiatives de l’Etat. Il vaut mieux compter sur le travail des assureurs, leur marketing et leurs commerciaux pour ouvrir de nouveaux champs d’expertise.

Aide toi, le gouvernement ne t’aidera pas… la phrase célèbre de Detoeuf prouve à nouveau sa pertinence et son actualité après le nouvel enterrement « sans fleur ni couronne » de la réforme de l’assurance dépendance, grand chantier du quinquennat.

Certains assureurs semblent s’en attrister et à mon avis sans raison. Car cet abandon est sans doute une bonne chose. La contemplation des supposés « coups de pouce produits» donnés par les gouvernements successifs à l’industrie de l’assurance présente un bilan pour le moins contrasté.

La plus grande innovation en matière d’assurance des 30 dernières années est sans doute l’œuvre de Gérard Athias, qui a « inventé » le contrat en euro à versement libre. Cette invention a radicalement révolutionné l’industrie de l’assurance, la faisant passer de la prédominance de l’assurance IARD à celle de la Vie, d’une industrie marginale à un acteur économique de premier plan. Cette innovation, ceux qui l’ont vécue s’en rappellent, ne doit rien à une quelconque aide du Gouvernement. Tout au contraire, la mise en cause de la taxe à 5,15% (eh oui, il y a eu une période où les primes d’assurance vie était taxées) par la mise en place de groupes ouverts (exonérés de la taxe) n’était pas forcément du goût des pouvoirs publics.

Dans le domaine de l’assurance dépendance, le pionner, AGRR par le biais de sa filiale Prima, n’a pas attendu que les pouvoirs publics s’intéressent au problème pour proposer à ses adhérents une solution dès … 1985 ! Il a supporté les aléas liés à toute création ex nihilo (apprentissage du risque, statistiques, provisionnements etc), mais il possède aujourd’hui la connaissance la plus solide du risque en France et peut être dans le monde.

A contrario, les tentatives du gouvernement de créer des produits ont été des échecs plus ou moins cuisants ; DSK, NSK, Perp, Perco, eurodiversifiés et j’en passe[1] n’ont jamais pu rivaliser avec la création de Gérard Athias. Conçus à des fins fiscales pour servir plus les intérêts de l’Etat que des particuliers, créés parfois à l’encontre de l’avis de la profession, ces produits n’ont pas su séduire ou intéresser les clients. Et c’est normal, l’Etat n’est ni par construction, ni par goût, une direction marketing.

Il faut donc que les assureurs se réjouissent que la réforme de la dépendance n’ait pas abouti. Ce nouvel échec ne doit pas être vu comme la fin de toute initiative, mais comme un début. Le besoin de nos concitoyens dans ce domaine reste entier, leur demande forte, et la publicité (involontaire) que crée chaque initiative avortée du gouvernement renforcent la sensibilité au produit et au besoin.

Les assureurs doivent maintenant redoubler d’efforts pour faire en sorte que de nouveaux produits soient lancés. Ils doivent poursuivre les travaux de recherche fondamentale sur le risque[2]. Ils doivent créer leurs propres critères de définition de la dépendance[3]. Ils doivent former leurs forces commerciales aux nouveaux champs de connaissance que demande le bon conseil dans ce domaine. Ils doivent enfin chercher à répondre au problème que constitue la sélection médicale qui diminue l’universalité du produit. Il sera toujours temps de modifier les produits si le gouvernement trouve le temps de définir un cadre légal et fiscal adapté.

[1] On pourra faire sans doute une exception pour le « Madelin ».

[2] Cf le livre blanc sur l’innovation en assurance dirigé par M Dupuydauby et le pole de compétitivité mondial finance innovation.

[3] Il leur faut aussi refuser de toutes leurs forces la tentation de la labélisation/normalisation qui tuerait l’innovation nécessaire à un produit en plein développement.