La répartition, c’est comme l’ambiguïté, on n’en sort qu’à ses dépens.

Les français ont confié à l’état la responsabilité de les assurer dans les domaines de la santé et de la retraite.

Pour la retraite, l’Etat verse 275 milliard de rentes au titre des retraites de base et complémentaires (régimes censés être paritaires) gérées en répartition et les assureurs privés seulement 6 milliard (Données 2011, Sources : Drees et estimations FFSA-GEMA in les données clés de l’assurance de personnes AFA) !
Pour la santé c’est plus de 70% des dépenses qui sont assumés par l’Etat.

Or il est question depuis des années de privatiser tout ou partie de cette protection. Ce « désengagement de l’état » est régulièrement vendu aux investisseurs pour rendre plus attractif le secteur de l’assurance.
Ce transfert se heurte évidemment à de nombreux obstacles politiques, mais le passage de la répartition étatique à l’assurance privée serait elle simple en terme financier ?

Sans doute pas, du fait de la curieuse situation de l’Etat assureur qui bénéficie d’un privilège important : celui de ne pas avoir à constituer une marge de solvabilité pour pouvoir assurer. On peut discuter les sources de ce privilège et de son maintien aujourd’hui :
les états ne semblent pas vraiment obéir au vieil adage « fiscus semper solvendo censetur » qui les considérait comme des « choses financières » sans cesse solvables.
Et quand à l’idée que les assurances qu’ils accordent comportent des garanties qui peuvent être changées à tout instant ainsi que les cotisations qui les alimentent, elle semble aussi d’un autre âge.

Ce qui est par contre sûr c’est que ce privilège n’est pas consenti aux assureurs privés forcés, par les mêmes états qui s’en exonèrent, de constituer une marge de solvabilité.

Et cette marge n’est pas négligeable. Par exemple sous solvabilité 1 en matière d’épargne c’est déjà 4% des provisions qu’il faut « mettre » en marge de solvabilité. Si l’on fait une hypothèse simplificatrice que le versement d’un milliard de rente demande un capital constitutif de l’ordre de 20 milliard (Cette hypothèse reste optimiste si l’on considère que l’âge moyen de départ à la retraite est de 59 ans en France avec une durée moyenne de 26 ans (source OCDE) )

on aboutit a une demande de capital de 1 milliard de capital pour chaque milliard de rente passant du public au privé. Sous l’hypothèse, encore une fois simple, d’un taux de rendement de 10% pour le capital ainsi affecté le coût des rentes se verrait augmenté de 100 million pour chaque milliard transféré (ou la rente diminuée de 10%).

Privatiser 10% des retraites aujourd’hui en répartition c’est trouver 20 milliard de capitaux et diminuer de 10 % les rentes pour rémunérer les capitaux ainsi créés. Mais c’est aussi mettre 400 milliard en provision pour faire face à l’engagement. On conçoit qu’une telle accumulation demandera de nombreuses années.

Ces équations restent sans doute très simples mais on peut en tirer quelques leçons :
La répartition est comme l’ambiguïté selon le cardinal de Retz : on n’en sort qu’à son détriment.
Il ne sera donc pas simple de privatiser les assurances assumées par l’état.
Le transfert vers le privé ne peut se faire qu’à un coût relativement important pour les assurés, car l’Etat leur offre gratuitement (?) une garantie contre la volatilité des engagements.
Le transfert ne pourra se faire que progressivement comme en témoignent les sommes à constituer (21 md par milliard transféré)
Seuls les opérateurs ayant un accès important aux marchés de capitaux pourront participer à ce « jeu », décidément M. Sapin n’a pas fini d’être l’ami de la finance.