Loi Sapin 2 : « Le principe directeur du socialisme est la substitution de l’Etat au contrat »

book-1659717_640Ça y est, la loi Sapin2 a passé la censure du conseil constitutionnel qui n’a rien trouvé à redire aux dispositions concernant les pouvoirs du Haut Conseil à la Stabilité financière en matière de taux et de faculté de rachat pour l’assurance vie.

Ainsi la loi Sapin 2 introduit dans le dispositif législatif français le fait que :
Une autorité administrative puisse fixer un taux maximum de rémunération d’un contrat d’assurance vie.
Cette même autorité puisse suspendre en cas de crise le rachat des contrats en assurance vie.

Nous avions déjà dit dans ces mêmes colonnes que ces mesures sonnaient le glas de Solvabilité 2, nous pouvons le redire!

Mais la loi Sapin 2 ça n’est pas que la mise en cause de solvabilité 2, c’est aussi une représentation du monde financier fondée sur le mépris des mécanismes de marché.

Cette représentation repose sur l’idée que les forces du marché sont imparfaites et ne permettent pas au marché financier de s’auto-réguler. C’est d’ailleurs une « self fullfilling prophecy » : plus on réglemente et moins le système peut s’auto-réguler. Pour répondre à cette imperfection savamment créée il n’y a qu’une solution : des règles nombreuses et variées, voire contradictoires (sans oublier l’émission monétaire mais c’est une autre histoire). Au libre jeu du marché, il suffit de substituer quelques règles savantes et confuses interprétées par des sages (Hauts Comités en tout genre et Conseils de banques centrales).

Ronald Reagan nous avait déjà prévenu que la comédie de l’intervention de l’état en matière économique se joue en 3 actes : « Government’s view of the economy could be summed up in a few short phrases: If it moves, tax it. If it keeps moving, regulate it. And if it stops moving, subsidize it »

Les gouvernements français se sont livrés à ce « jeu » dangereux depuis un moment en matière d’assurance.

La taxation progressive de l’assurance vie, en particulier en matière de droits de succession, a constitué la première étape pour ralentir une industrie qui « bougeait » beaucoup.

Faute de l’avoir tuée tout de suite grâce aux mesures fiscales, le gouvernement, avec l’aide d’une commission européenne complètement désaxée depuis l’ère Delors a recouru à l’arme de la réglementation.

Maintenant que les deux premières phases ont fait leur oeuvre et que les compagnies se meuvent avec difficulté, il s’agit d’aider les acteurs en place à garder leur rente de situation.

Faute de moyens financiers, le ministre Sapin a du innover. Plutôt que de subventionner, il a préféré, nolens volens, offrir une prime aux acteurs en place sous forme de nouveaux pouvoirs consentis à la haute autorité de stabilité financière. Il ne fait en cela que suivre la célèbre phrase de Yves Guyot : « Le principe directeur du socialisme est la substitution de l’Etat au contrat ».

Qu’on ne s’y trompe donc pas, par cette substitution, on pourra augmenter les marges des assureurs au détriment des assurés grâce à deux mécanismes : la limitation des taux servis par le marché, et la suspension de la faculté de rachat.

Économie : Et si on écoutait un peu les assureurs ?

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Le 8 août 2016, dans un mouvement marqué par l’ignorance et le manque d’imagination qui président à la politique monétaire de tous les pays depuis près de 20 ans, la Banque d’Angleterre a procédé à un rachat massif d’obligation. Cette solution empoisonnée et éculée n’a pas produit les résultats escomptés et la Banque n’a pas réussi à acheter le montant de 1,7bn de livres qu’elle avait fixé. Parmi les causes de cet échec, le refus des fonds de pension de porter à la Banque leurs obligations.

L’attitude des fonds de pension est aisément compréhensible. Pourquoi vendre des obligations ancienne fournissant des flux de cash élevés pour obtenir des liquidités inutiles dans le cas de garanties à long terme ? Se dessaisir de ces flux nécessaires serait irresponsable et contraire à une gestion de bon père de famille. En un mot pourquoi obéir à des opportunités de court terme quand on a des obligations à long terme ?

Cet incident révèle cependant une réalité grave pour l’ensemble des économies occidentales, l’incapacité des banquiers en général et des banquiers centraux en particulier à saisir la nature même du monde moderne.

Depuis près de 15 ans les banquiers n’ont cessé de convaincre les hommes politiques du bien fondé des solutions de court terme qu’ils présentent comme des panacées. Au premier rang desquelles figurent la manipulation des taux et de la masse monétaire. Mais les langues se délient et on commence à dire tout haut ce que l’on a toujours su : la création monétaire n’est pas bonne pour l’économie et pour les citoyens. La création monétaire est une manipulation de la monnaie et au fond il n’y a pas beaucoup de différence entre les rois qui rognaient les pièces et Greenspan, Bernanke ou Draghi.

Qui plus est, ces méthodes, marquées au coin du court-termisme ne correspondent pas à la nature des économies modernes. C’est ce que le refus des fonds de pension d’apporter leurs obligations illustre bien. Pour eux comme pour les États modernes, les engagements de long terme l’emportent largement sur ceux de court terme. Ils doivent garantir les engagements de retraite, devoir auquel s’ajoute pour les États la garantie des prestations de santé.

Les économies occidentales qui ressemblaient plus à des banques jusqu’à la première moitié du vingtième siècle sont désormais semblables à des assureurs, chargées d’obligation de long terme vis à vis des citoyens. Et les techniques dont elles ont besoin sont plus celles de l’assureur que du banquier. La retraite tout autant que la santé sont des risques qui se gèrent à long terme.

Loin de poursuivre des politiques inspirées par les banquiers, centraux ou non, de régler de plus en plus l’assurance selon des principes bancaires[1], les hommes politiques feraient mieux d’écouter un peu plus les assureurs. Le signal qu’ont envoyé les fonds de pension britannique doit leur apprendre que les techniques de l’assurance doivent remplacer celles de la banque.

[1] dont chacun a pu mesurer l’efficacité au cours des 15 dernières années.

Retraite: les réassureurs des fonds de pension ont-ils une formule magique ?

On attribué à tort ou à raison à Brecht la phrase : "là où la prière ne peut plus l'assurance peut encore". Il semble qu'aujourd'hui avec la longévité on en soit arrivé à "là où l'assurance ne peut plus la réassurance peut encore."
Depuis la crise la situation des fonds de pension semble de plus en plus simple à saisir : trop d'engagement et pas assez d'actifs et de rendements pour y faire face. La situation est particulièrement difficile pour les régimes dits à prestations définies mais les régimes à cotisation définies n'y échappent pas non plus.

Les chiffres sont vertigineux, et les actifs manquants se chiffrent en milliard d'euros, dollars, livres etc…

Devant cette situation les pouvoirs publics appliquent un peu partout la même politique, celle bien connue de l'autruche qui est de loin leur politique favorite ; et après que l'on eut décortiqué les savants aphorismes derrière lesquels ils camouflent leurs attitudes on en revient dans tous les domaines à cette triste vérité que le "kick the can down the road" leur sert d'horizon indépassable. On aurait pu attendre des opérateurs privés un peu plus de responsabilité. En fait pas vraiment.

La première phase de la manœuvre a consisté pour eux à cacher l'absence de financement nécessaires derrière les hypothèses actuarielles : faire semblant que les rendements des actifs seront à long terme au delà de 4 pour cent offre le double avantage que dans le long terme nous seront tous morts et abaisse sensiblement l'addition. La deuxième phase consiste à refuser toute mesure un tant soit peu contraignante à court terme. Le refus de solvabilité 2 sous des prétextes divers et variés a permis d'éviter une contrainte de fer qui eut obligé à une recapitalisation rapide des fonds que les entreprises (les sponsors) n'étaient pas prêtes à accepter.

L'ultime étape consiste à s'en remettre à la reassurance pour combler les insuffisances et là on reste un peu interdit, car par quel miracle les réassureurs sont ils en mesure de compenser les trillions absents de la caisse? (On remarquera cependant et pour être complets que les reassureurs dits professionnels participent modérément à ce marché plutôt occupé par de nouveaux opérateurs)

Comment diable ces opérateurs sont ils capables de transformer le plomb des engagements du passé en or du présent ? Comment faire alors que les bases statistiques sur l'espérance de vie futures des générations actuelles sont encore limitées ?

La clé réside peut être dans ce qui est devenu une pratique habituelle du monde financier et qui a été décrite par Warren Buffet dans un rapport annuel de 1997 décrivant les risques des marchés d'assurance catastrophes : "When the stakes are high, an expert can invariably be found who will affirm — to return to our example (the odds of throwing a 12 with a pair of dice) — that the chance of rolling a 12 is not 1 in 36, but more like 1 in 100. (In fairness, we should add that the expert will probably believe that his odds are correct, a fact that makes him less reprehensible — but more dangerous.)"

Sur base de ces expertises, des milliard de réserves ont été transférées en 2015. Au nom de ces expertises on continue à transférer les retraites à venir des membres des fonds de pension. A court terme tout le monde y trouve son compte, États, sponsors et gestionnaires des fonds qui se débarrassent d'un problème, réassureurs qui augmentent leur chiffre d'affaire. A long terme on peut en douter.