Pourquoi les (ré)assureurs veulent-ils rendre du capital à leurs actionnaires ?

coins-1726618_640Après Munich Re , c’est maintenant Swiss Re qui annonce sa volonté de rendre du cash aux actionnaires faute d’opportunités d’investissement. Et ce phénomène ne concerne pas que les réassureurs, les assureurs aussi, à l’image récente de Allianz , parlent de racheter des actions faute de savoir comment utiliser ce capital excédentaire.

Doit on en conclure que le marché de l’assurance est totalement saturé? Qu’il n’y a plus rien à vendre aux clients ? Que ceux ci sont si bien couverts que désormais rien ne peut leur arriver pour lequel ils ne soient protégés ?

Ceux là même qui remboursent leurs actionnaires n’en semblent pas convaincus et Swiss Re continue à étudier année après année le « protection gap » qui montre que la distance est grande entre les besoins et la couverture en matière d’assurance de personnes . En matière d’assurance de dommages, chaque catastrophe montre le faible rôle joué par les assureurs dans la facture finale .

Si les marchés sont loin d’être saturés, pourquoi ce défaitisme, cette apparente résignation, cette absence de volonté de croître ? Les causes en sont sans doute multiples et attardons nous sur quelques unes seulement sans prétendre à l’exhaustivité.

D’abord et sans doute il y a le recul du métier d’assureur. Ceux qui ont officié dans cette industrie depuis de nombreuses années ont pu constater le remplacement de la logique des assureurs par celle des « financiers », avec un goût marqué pour la performance de court terme.

Or rares sont les marchés d’assurance qui peuvent se satisfaire du court terme. Comment offrir des produits dont l’objet est la couverture de risques à long terme (santé, retraite, dependance) avec l’œil rivé sur les résultats trimestriels ? Aucune chance évidemment d’y parvenir. Un tel strabisme condamne donc à n’opérer que dans un champs très limité (assurance short tail). Et encore dans ce domaine, le court termisme conduit à réaliser en permanence des entrées sorties qui finissent par rendre les clients infidèles au risque que la situation ne devienne ingérable. Avec la progression du court-termisme dans les entreprises d’assurance, il est probable que seules les mutuelles auront bientôt encore la capacité d’assurer (si elles ne succombent pas aux sirènes des « financiers »).

La deuxième cause, et on ne le répètera jamais assez, c’est la folle politique des banquiers centraux et leur injection massive de liquidité. Celle ci a faussé la mesure du risque et des rendements. Cela ne serait rien si la logique financière qui a remplacé celle de l’assurance n’avaient retenu, comme dans la banque, des primes de risques irréalistes pour évaluer les investissement. Certains parlent ainsi encore de rentabilité de 10% au dessus de l’actif sans risque, illustrant leur incompréhension de l’univers des risques et de leur mesure. Ce faisant ils ont condamné des pans entiers de leur activité qui ne peuvent évidemment, ni à court ni à long terme, offrir bien plus que 2 à 3 % au dessus de l’actif sans risque.

Du fait de ces analyses, les assureurs ont renoncé à couvrir des marchés gigantesques. Ils sont entrés dans l’époque de la mort lente, mort qui en assurance se nomme run-off et qui est d’autant plus agréable qu’elle est adoucie par les profits que tout run-off génère.
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1 https://www.munichre.com/en/media-relations/publications/press-releases/2017/2017-03-15-press-release/index.html
2 http://www.swissre.com/media/news_releases/nr_20170316_agm.html
3 https://www.allianz.com/en/investor_relations/announcements/ir_announcements/170216a.html/
4 http://media.swissre.com/documents/Mortality%20protection%20Gap_%20Asia%20Pacific%20-%20FINAL.pdf
5 http://www.swissre.com/media/news_releases/The_USD_13_trillion_disaster_protection_gap.html
6 En effet ces remboursements d’action ont lieu sur fonds de résultats tout à fait acceptables.