Solvabilité 2 modifié en Grande Bretagne, bien ou mal pour l’Europe ?

Partiront, partiront pas… Les Britanniques ? la comédie (ou la tragi-comédie pour être exact) du Brexit se poursuit. Toujours convaincu que les européens « continentaux » ne pourront vivre sans la Grande Bretagne, Boris Johnson adopte une stratégie jusqu’au boutiste tant il pense, ou fait mine de penser que l’Europe lui consentira tout ce qu’il veut et même plus.

Dans le tout ce qu’il veut, il y a peut être l’equivalence avec Solvabilité 2, tout en adoptant des règles approchantes mais pas tout à fait égales.

Un article récent du Financial times donne une idée des lignes de ce « solvabilité 2 » modifié, évoqué par certains hommes politiques britanniques. Il répondrait au problème principal de l’assurance britannique, l’accumulation d’engagements à long terme dans des contrats « annuities » couverts par des actifs aujourd’hui bien incapables de fournir les rendements attendus. Nul doute que la profession en Grande Bretagne piaffe d’impatience a l’idée de s’exonérer de solvabilité 2 et de ses règles sur les sujets des provisions d’engagement à long terme ou sur le traitement des actifs risqués. l’article mentionne cependant avec raison que cette idée est plus le fait des assureurs vie. A l’inverse les assureurs non vie et le marché de Londres qui dépendent largement des marchés étrangers, et donc de l’équivalence, ne voient pas d’un bon œil qu’on joue trop avec celle-ci.

Les assureurs vie ont l’oreille de certains politiciens qui voient dans ce sujet un nouveau front dans le « make Great Britain great again », une renaissance devenue possible grâce à l’absence de contraintes européennes, la création d’un « Singapore on Thames »…

Leurs régulateurs britanniques restent quant à eux plus modérés, tant ils mesurent que casser le thermomètre ne mettra pas fin aux problèmes sous-jacents. Ils se rappellent sans doute aussi qu’ils ont joué un rôle non négligeable dans l’élaboration d’un système dont leurs hommes politiques font semblant de croire qu’il a été imposé de l’extérieur aux Britanniques sans qu’on leur demandât leur avis.

La question pour nous reste évidemment de savoir s’il faut craindre pour l’assurance continentale ce « Singapore on Thames » annoncé ? Va-t-on assister à la fuite des capitaux et des entreprises d’assurance vers Londres ?

La réponse demande d’abord que l’on reconnaisse que dans de nombreux secteurs, en particulier la (ré)assurance non-vie de « spécialité » ou de capacité élevée, Londres est déjà une place majeure. On mesure mal dans ce domaine ce qu’un régime solvabilité 2 plus' »libéral » changerait. Au mieux, donnerait-il accès aux mêmes capitaux dans de meilleures conditions financières aux assurés et assureurs européens.

Pour l’assurance vie, il y a longtemps que les britanniques n’en vendent pas beaucoup en Europe et la cession annoncée de Aviva en France en est une preuve supplémentaire, si besoin était. D’autre part, la grande époque des innovations britanniques dans ce domaine (unités de compte, maladies redoutées…) semble loin.

Dans ces conditions, les européens continentaux ont tout à gagner à laisser se développer à leurs portes une expérience réglementaire différente.

Elle leur permettra d’avoir accès aux mêmes capitaux à meilleur coût, si les Britanniques choisissent la voie d’une réglementation moins contraignante (ce qui reste à voir…).

Les Européens seront désormais libres de contrôler la qualité, la solidité des fournisseurs Britanniques en choisissant à quelles conditions ils leur ouvrent leur marché (une mission essentielle des régulateurs).

Ils y auront un « terrain d’expérimentation réglementaire » dont ils adopteront les solutions si elles réussissent.

En un mot les modifications rêvées par les Britanniques ne serviront qu’à résoudre quelques problèmes d’assurance purement nationaux tout en permettant aux Européens de mieux contrôler l’utilisation de ces solutions dans l’Union.