J’ai souvent évoqué le rôle important que jouait le quantitative easing (QE) dans l’évolution des marchés de réassurances et en particulier dans la réassurance des catastrophes. Le QE a permis une création forte de capital forte au cours des dernières années dont une part a trouvé le chemin de la réassurance. Dans un environnement de taux bas, que créait mécaniquement l’abondance monétaire, les investisseurs avaient découvert le monde de la réassurance au travers des véhicules dédiés (spv), cat bonds, side cars, IlS etc. ou comme retrocessionnaire. L’utilisation dans ces véhicules d’une part modeste des sommes à disposition des grands investisseurs a eu une influence importante sur le marché de la réassurance, qui ne mobilise que peu de capital. Cet afflux a eu deux conséquences sur la réassurance : d’une part il a fait baisser les prix, d’autre part il a gommé les cycles, en effaçant les redressements significatifs de tarifs consécutifs aux catastrophes, les nouvelles capacités qui provenaient des marchés financiers contrecarrant le mouvement à la hausse des prix.
Aujourd’hui les banques centrales ont diminué ou fait disparaitre leurs politiques de QE, dans l’idée de contrebattre l’inflation naissante. Il convient évidemment de rester prudent sur cette nouvelle orientation politique. L’émission monétaire massive est devenu un outil si commun pour les banquiers centraux qu’il reste toujours à craindre qu’ils ne retournent aux mauvaises habitudes du passé. Si la fin de l’émission monétaire massive se confirme, quelles seront les conséquences de ce changement pour la réassurance ?
Il en résultera sans nul doute une augmentation des prix par assèchement de la capacité « illusoire » entretenue pendant tant d’années. On verra sans nul doute la réapparition de cycles. Ces éléments reintroduiront la volatilité sur le marché de la réassurance, volatilité qui était plutôt limitée.
Au delà des conséquences financières on peut aussi penser que ces changements vont se heurter aux réflexes développés chez les réassureurs par le QE.
Au cours des dernières années, les réassureurs ont largement utilisé les possibilités des marchés financiers pour se procurer des capitaux à faible coûts. Ils ont tous à des degrés divers été émetteurs de cat bonds, de side cars, d’ILS etc. Ils ont constitué des entités de « third party capital » pour se financer. Ce faisant, ils ont pris l’habitude de faire travailler moins leur capital propre à des degrés divers selon les réassureurs. Mais si ces sources se tarissent, il leur faudra reprendre l’habitude de travailler avec leur propre capital, de prendre plus de risques dans leur bilan et soumettre leurs actionnaires à une plus forte volatilité.