C’est parti : solvabilité 2 est en place depuis moins d’un trimestre et déjà un premier contentieux à l’horizon.
On aurait pu penser que le premier contentieux du genre opposât un régulateur à une compagnie sur des problèmes aussi complexe que la gouvernance interne ou les hypothèses de modélisation. Qu’on se rassure ces contentieux apparaîtront en leur temps.
Il s’agit pour le moment d’un contentieux entre un actionnaire et le management de la compagnie en l’occurrence entre Highfields et le management de Delta Lloyd aux Pays Bas.
Le management demande une augmentation de capital afin de renforcer une marge de solvabilité qu’il juge trop faible. La marge actuellement calculée par le management est de 130% et il entend la porter à 160%. Grâce à une augmentation de capital de 650 million.
Dans un long document Highfields explique en détail son refus de l’augmentation proposée :
• Il affirme d’abord que le taux de solvabilité n’a pas de sens au delà de 150% et il en apporte pour preuve les déclarations des compagnies néerlandaises Vivat, Aegon, ASR.
• Il affirme que la société est suffisamment capitalisée pour faire face à une éventuelle diminution du ultimate forward rate de 4,2% à 3,2% décidée par le régulateur. On remarquera que le modèle interne partiel est appelé à la rescousse pour justifier le point.
• Il dit enfin que le régulateur lui même est tout à fait satisfait du niveau de solvabilité du marché néerlandais.
On ne peut dire aujourd’hui si cette action prospérera mais elle soulève des problèmes jusque là occultés par les discussions de solvabilité 2, toute centrées sur le réglementaire et les calculs.
1. Elle annonce des guerres possibles entre actionnaires et management. Les questions de C. Icahn sur AIG et son caractère systémique ne procèdent pas d’une autre logique. Le nouveau cadre réglementaire a sans doute sous-estimé cet aspect du problème. On peut imaginer que les deux parties chercheront à mettre le régulateur dans leur camp ce qui n’est pas gagné, car on voit mal le régulateur entraîné dans ces conflits.
2. Cette guerre va se cristalliser dans le taux de solvabilité nécessaire, taux qui sera poussé naturellement à la hausse par le management et à la baisse par les actionnaires. Et une question lancinante de solvabilité 2 va remonter à la surface : quelle est la solvabilité « idéale »? pourquoi diable dépasser 100%? Highfields rappelle à ce propos que la marge à 100% correspond à un niveau élevé de sécurité.
3. Mais le niveau de solvabilité n’est que la conséquence, comme le rappelle aussi Highfields, du modèle interne dont il demande que la sortie soit accélérée.
Solvabilité 2 était vu jusqu’ici comme un exercice théorique, il se heurte à la réalité du monde des affaires et dans ce monde il fait apparaître les premières divergences entre actionnaires et management. Dans cet échange chacun a ses armes, le contrôle de l’argent pour l’actionnaire, le contrôle des modèles pour le management, sous l’oeil attentif et prudent du régulateur.