Réassurer le risque d’assurance vie « épargne », le pari des nouveaux réassureurs vie…

La réassurance vie a crû rapidement au cours des dernières années grâce à sa spécialisation vers les risques biométriques. Elle a lourdement investi dans la recherche, les modèles et les programmes dans ce domaine, devenant, entre autres par la maîtrise de la souscription médicale, un acteur incontournable des assurances vie décès, invalidité, maladies redoutées etc. Cette spécialité est à la fois sa force et son talon d’Achille. Sa force car elle assure un flux d’activité constant, une activité prévisible, des engagements à long terme. Elle permet aussi une présence au cœur de l’activité des cédantes en intervenant dans les opérations de souscription et de tarification.

Toutefois cette réassurance se heurte à une limite naturelle, fruit de sa concentration sur un risque qui reste souvent aux yeux des cédantes un « petit risque », pesant peu dans le paysage global de l’assurance. Car l’assurance vie c’est d’abord et avant tout l’assurance en cas de vie, l’assurance épargne comme disent certains. Et au sein de cette assurance épargne, c’est l’assurance en euros qui garde la part du lion, même si elle recule parfois, au gré des mouvements de la Bourse, au profit des assurances en unités de comptes.

L’assurance en euros (ou fixed) reste donc l’objet de l’attention principale des assureurs et de leurs équipes dirigeantes. Au fil du temps cette forme d’assurance est devenue l’objet de nombreuses craintes (inexistantes à l’origine) depuis celle des taux bas (ou de leur remonté trop rapide), le spectre des vagues de rachats massifs, le découplage actif passif etc.

Certains réassureurs y voit une opportunité de redéfinir le modèle de la réassurance vie en s’intéressant avant tout à la réassurance des contrats « en euros » (fixed annuities).

Si certains réassureurs avaient déjà exploré cette voie, on a assisté à l’éclosion d’une nouvelle génération au cours des dernières années, en particulier aux États Unis, mais aussi en Europe. Ces nouveaux réassureurs sont soutenus par des grands fonds d’investissement et leur offre se concentre sur les portefeuilles « euros » (fixed). Ils promettent aux assureurs de reprendre à leur charge les garanties de taux promises aux clients. Une seule condition à cela : que la gestion des actifs leur soit transférée (même si les actifs peuvent rester « déposés » dans les bilans des assureurs). En un mot ils attaquent le marché là où le besoin existe et de manière gigantesque, et en conséquence, ces réassureurs sont en train d’accumuler des milliards dans leurs bilans.

On a du mal à apprécier aujourd’hui la réalité de la « formule » qui sous-tend cette promesse. Les plus sceptiques y voient des arbitrages réglementaires permettant d’investir les actifs de manière plus risquée en choisissant de s’établir dans des pays aux régulateurs plus « compréhensifs ». D’autres y reconnaissent la conséquence de l’abondance monétaire créée par les banques centrales qui donne à certains fonds des capacités quasi illimitées de couverture des risques pris. Le phénomène ne manque cependant pas de provoquer des interrogations chez les régulateurs états-uniens qui ne mesurent pas encore toutes les conséquences du transfert des actifs des assurés vers des cieux plus cléments aux assureurs (cf débats récents de la NAIC sur le sujet). Ils s’interrogent aussi sur le contrôle accru de ces actifs par des acteurs non issus du monde de l’assurance. Leurs questions sont relayées par certaines compagnies d’assurance qui commencent à y voir une concurrence déloyale (cf prise de position récente de Northwestern Mutual).

Il n’en reste pas moins que ces réassureurs répondent bien à un besoin du marché : la nécessité de gérer le passé des contrats euros ou même de continuer à proposer un produit qui reste largement le « placement préféré des français (et des autres) ». Ces réassureurs arrivent à mobiliser les capitaux gigantesques créés par le quantitative easing pour résoudre le hiatus entre des Etats-majors de compagnies réticents à garder (certains grands groupes européens ont déjà commencé à céder leurs portefeuilles) ou à vendre des contrats euros, et des clients qui en demandent toujours.

Ces réassureurs méritent donc qu’on leur prête une attention particulière, quel que soit le jugement que l’on porte sur leur « modèle d’affaire ». Leur positionnement au centre d’un problème stratégique pour l’assurance vie pourrait en faire des pièces incontournables de ce marché.

Solvabilité 2 modifié en Grande Bretagne, bien ou mal pour l’Europe ?

Partiront, partiront pas… Les Britanniques ? la comédie (ou la tragi-comédie pour être exact) du Brexit se poursuit. Toujours convaincu que les européens « continentaux » ne pourront vivre sans la Grande Bretagne, Boris Johnson adopte une stratégie jusqu’au boutiste tant il pense, ou fait mine de penser que l’Europe lui consentira tout ce qu’il veut et même plus.

Dans le tout ce qu’il veut, il y a peut être l’equivalence avec Solvabilité 2, tout en adoptant des règles approchantes mais pas tout à fait égales.

Un article récent du Financial times donne une idée des lignes de ce « solvabilité 2 » modifié, évoqué par certains hommes politiques britanniques. Il répondrait au problème principal de l’assurance britannique, l’accumulation d’engagements à long terme dans des contrats « annuities » couverts par des actifs aujourd’hui bien incapables de fournir les rendements attendus. Nul doute que la profession en Grande Bretagne piaffe d’impatience a l’idée de s’exonérer de solvabilité 2 et de ses règles sur les sujets des provisions d’engagement à long terme ou sur le traitement des actifs risqués. l’article mentionne cependant avec raison que cette idée est plus le fait des assureurs vie. A l’inverse les assureurs non vie et le marché de Londres qui dépendent largement des marchés étrangers, et donc de l’équivalence, ne voient pas d’un bon œil qu’on joue trop avec celle-ci.

Les assureurs vie ont l’oreille de certains politiciens qui voient dans ce sujet un nouveau front dans le « make Great Britain great again », une renaissance devenue possible grâce à l’absence de contraintes européennes, la création d’un « Singapore on Thames »…

Leurs régulateurs britanniques restent quant à eux plus modérés, tant ils mesurent que casser le thermomètre ne mettra pas fin aux problèmes sous-jacents. Ils se rappellent sans doute aussi qu’ils ont joué un rôle non négligeable dans l’élaboration d’un système dont leurs hommes politiques font semblant de croire qu’il a été imposé de l’extérieur aux Britanniques sans qu’on leur demandât leur avis.

La question pour nous reste évidemment de savoir s’il faut craindre pour l’assurance continentale ce « Singapore on Thames » annoncé ? Va-t-on assister à la fuite des capitaux et des entreprises d’assurance vers Londres ?

La réponse demande d’abord que l’on reconnaisse que dans de nombreux secteurs, en particulier la (ré)assurance non-vie de « spécialité » ou de capacité élevée, Londres est déjà une place majeure. On mesure mal dans ce domaine ce qu’un régime solvabilité 2 plus' »libéral » changerait. Au mieux, donnerait-il accès aux mêmes capitaux dans de meilleures conditions financières aux assurés et assureurs européens.

Pour l’assurance vie, il y a longtemps que les britanniques n’en vendent pas beaucoup en Europe et la cession annoncée de Aviva en France en est une preuve supplémentaire, si besoin était. D’autre part, la grande époque des innovations britanniques dans ce domaine (unités de compte, maladies redoutées…) semble loin.

Dans ces conditions, les européens continentaux ont tout à gagner à laisser se développer à leurs portes une expérience réglementaire différente.

Elle leur permettra d’avoir accès aux mêmes capitaux à meilleur coût, si les Britanniques choisissent la voie d’une réglementation moins contraignante (ce qui reste à voir…).

Les Européens seront désormais libres de contrôler la qualité, la solidité des fournisseurs Britanniques en choisissant à quelles conditions ils leur ouvrent leur marché (une mission essentielle des régulateurs).

Ils y auront un « terrain d’expérimentation réglementaire » dont ils adopteront les solutions si elles réussissent.

En un mot les modifications rêvées par les Britanniques ne serviront qu’à résoudre quelques problèmes d’assurance purement nationaux tout en permettant aux Européens de mieux contrôler l’utilisation de ces solutions dans l’Union.

Helvétia et le covid19 : trop forts, les assureurs helvètes…

Un de mes premiers mentors, Jean Claude Moisand, un génie du marketing d’assurance, avait coutume de me dire : « Romain, en matiere de marketing, on ne peut pas battre les Suisses »…

On en a eu une nouvelle illustration cette semaine avec le traitement des sinistres pertes d’exploitation liés au covid19 par Helvetia.

On sait que la question de la couverture des pertes d’exploitations est devenu un sujet d’actualité pour les assureurs dans le cadre de l’épidémie du covid19. Après avoir défendu mordicus que les sinistres n’étaient pas dus, plus d’un assureur a du mettre de l’eau dans son vin en reconnaissant que certaines clauses nexcluaient pas si clairement les conséquences d’une pandémie. Nous avons décrit la bérézina de la communication des assureurs sur le sujet dans deux articles précédents. Et l’affaire n’en est qu’à ses débuts. Partout dans le monde des assurés se groupent, sous la houlette des avocats pour entamer des procès sur la mise en œuvre des garanties en cas d’épidémie. Ces procès vont sans nul doute durer longtemps, entretenant l’incertitude pour les assureurs. Cette situation n’est pas sans préoccuper les régulateurs, et la semaine dernière le FCA, L’autorité de contrôle britannique a évoqué l’idée d’obtenir une prise de position rapide des tribunaux pour lever les ambiguïtés qui pèsent sur la question.

Face à cette situation, l’assureur Helvetia a pris l’initiative. Dans une lettre aux marchés et aux assurés qui peut servir d’exemple à de nombreux « communicants » du secteur, l’assureur explique avoir pris la décision de payer 50% des pertes liées au Corona virus des assurés du secteur de la restauration. Les sommes versées couvriront les pertes du 16 mars au 11 Avril 2020.

La lettre explique qu’Helvetia est convaincue de ne pas devoir ces sinistres, certitude confirmée par la consultation d’un grand cabinet d’avocat. Helvétia est cependant conscient que la reconnaissance de son bon droit prendra sans doute des années. En attendant cette confirmation, les procès risquent d’être longs, complexes, préjudiciables à son image et ils entretiendront l’incertitude des investisseurs sur les résultats de l’assureur.

En contrepartie de cet « ex gratia », Helvetia demande à ses clients d’accepter une nouvelle clause de contrat excluant clairement épidémies et pandémies permettant d’éviter des litiges futurs. Ses contrats maintiennent toutefois la couverture des problèmes d’hygiène (salmonelle…).

On voit bien tous les avantages pour l’assureur de la solution proposée. Elle permet, on l’a déjà dit, de limiter les risques d’image et les frais et aléas liés aux procédures judiciaires. Elle rassure les investisseurs sur les résultats de la société mais aussi les clients pour lesquels elle limite les risques en protégeant la solvabilité de l’assureurs.

Pour le client, on comprend aussi que l’offre est tentante d’avoir une indemnisation rapide au moment où l’argent sera nécessaire pour le redémarrage de l’activité.

Il est évidemment trop tôt pour dire si cette mesure atteindra tous ses objectifs. Mais elle paraît intéressante en ce qu’elle répond de manière pragmatique à un risque qui risque d’empoisonner durablement la vie des assureurs à l’avenir.

Si le Corona virus pouvait s’attaquer à la « valeur de marché »…

Si le Corona virus pouvait limiter ses ravages aux marchés financiers nous ne pourrions qu’être heureux et s’il pouvait emporter avec lui la fameuse comptabilité en « valeur de marché », nous le serions plus encore.

À cause de la crise déclenchée par le virus, un grand assureur canadien a annoncé il y a quelques semaines qu’il doit passer 1,5 milliard de « pertes » sur son portefeuille d’investissements suite aux mouvements de marché des derniers mois.

Cette somme correspond à peu près aux profits qu’il a déclarés en 2019 au titre des plus values financières.

Qu’on se rassure : les pertes d’aujourd’hui n’existent pas plus que les profits d’hier. Il s’agit seulement de jeux d’écriture, certes dangereux mais pas interdits. Ce n’est que la conséquence de la « brillante idée » de la comptabilité en valeur de marché… Dans laquelle on rapporte allègrement ce qui est avec ce qui sera potentiellement. On mélange dans un grand fatras des plus values réalisées avec des plus values à réaliser, des pertes potentielles et des pertes réelles… Tout cela au nom de la recherche d’une juste valeur.

Or quel est la juste valeur d’une action ou d’une obligation que l’on n’a pas encore vendue et que peut-être on ne vendra jamais? Tant qu’elle reste dans les livres de l’assureur on se moque éperdument de son prix, à dire vrai. Vérité le lundi n’est pas celle du mardi et le corona nous rappelle que les valeurs du 31 décembre n’avait pas grand chose à voir avec celle d’aujourd’hui. La vente sur des marchés perturbés peut conduire à une crise de liquidité où rien ne trouve d’acheteur. Et on ne parlera pas ici des valorisations en mark to model, dernier refuge de la valorisation quand on a vraiment épuisé tous les autres… Vouloir transcrire en permanence les variations de l’actif est une chimère à la fois dangereuse et inutile. On en connait les raisons théoriques, la transcription journalière des variations de valeur dans les comptes afin de permettre à tout instant à l’actionnaire d’entrer et sortir de l’entreprise à sa « valeur réelle ». Sur cette vision hallucinante on s’est livré et on se livre à des débats qui n’ont rien à envier aux querelles théologiques de l’église primitive, de l’arianisme au pelagisme… Chaque siècle ayant les sujets de controverse qu’il peut.

Nos anciens, plus instruits par l’expérience, et consacrant plus de temps aux débats théologiques qu’à ceux comptables, avaient choisi d’en rester à une règle simple et de bon goût : puisque nous n’avons aucune idée du prix actuel de ce que nous avons acheté, restons modeste et contentons nous de comptabiliser au prix d’achat… De toute façon nous connaîtrons bien le prix au moment de la vente, alors pourquoi dépenser du temps et de l’énergie à l’évaluer par avance ? C’est d’ailleurs au seul moment de la vente que le prix a une vraie réalité et doit être transcrit dans les comptes. Cette solution est loin des discours savants auxquels la valeur de marché donne lieu ainsi qu’aux honoraires qu’elle offre à certaines professions. Elle relève plutôt de ce bon sens qui a garanti sa survie à l’humanité au cours des siècles.

Voilà donc un assureur contraint à passer des moins values imaginaires effaçant des plus values non moins imaginaires. Le mot de la fin reste toutefois aux bonnes vieille « piastres » puisque l’assureur n’oublie pas de dire en forme de conclusion que la société est solide car elle dispose de 2,5 milliard en liquide… Comme le disait le « sage d’Omaha » : in God we trust, all other will pay cash…

Covid19 et solvabilité 2, rattrapé par le risque de crédit ?

Le Corona virus donné lieu à une abondante littérature sur le problème des sinistres. Paiera, paiera pas, c’est la question que se pose et que l’on pose aux assureurs. L’exclusion ou la non exclusion du risque de pandémie dans les conditions contractuelles, en particulier pour les pertes d’exploitation, est posée un peu partout avec des réponses qui vont du oui au non avec toutes les nuances possibles selon les secteurs, les contrats et les pays. C’est évidemment un important problème de court terme et dont les conséquences comme l’ont dit certains grands patrons d’assurance peuvent être dévastatrices.

Mais il est peut être un autre risque créé par le covid19 un risque plus sournois mais pas moins important, celui du risque de crédit sur les assurés. En un mot les assurés auront ils la capacité de payer ce qu’ils doivent ?

Au moment où l’on commence à mesurer l’impact significatif de la mise au repos de l’économie, on peut légitimement se demander s’il y aura un effet sur le paiement des primes.

On peut même imaginer que les exemptions et reports de primes consentis par certains assureurs trouvent leur origine dans ce sentiment que les assurés seront moins « au rendez vous » quand il s’agira de payer. Pourquoi alors exiger une prime qui ne sera peut-être pas payé ? Mieux vaut faire le grand seigneur et « l’offrir » au client.

Un autre avantage de cette politique dans le monde de solvabilité 2, c’est qu’elle pourrait aussi diminuer l’exposition au risque de contrepartie sur les payeurs de primes.

Solvabilite 2 prend en effet en compte le risque de crédit sur les contreparties non notées.

Ce risque est calculé dans le module des risques de « type 2 » du module risque de contrepartie.

Ce module tient compte, entre autres, des produits à recevoir sur les clients qui ont plus de 90 jours d’arriérés. Pour faire simple, une prime non payée dans les 90 jours se voit considérée dans les calculs comme pratiquement irrécouvrable… Les assureurs ont souvent remarqué le poids non négligeable de ce poste dans les calculs de solvabilité 2. Et encore il s’agissait de calculs dans des périodes où le « risque crédit » mesuré par cet indicateur restait faible. Dans un environnement de crise majeure, qu’en sera-t-il ?

L’application d’une règle fixe, la règle des 90 jours peut agir comme un « amplificateur de crise », voire simplement un créateur de crise. Dit d’une manière différente doit on maintenir une industrie à un niveau de sécurité largement supérieur à la réalité de l’économie réelle en période de crise ? Le dilemme n’est pas simple à résoudre pour le régulateur qui tient à garder un niveau maximal de sécurité tout en évitant un effet amplificateur du fait de la réglementation. Il semble toutefois, face à une crise économique de l’ampleur de celle créée par le covid19, que l’ajustement des règles (contreparties ou autres) à la réalité du terrain soient essentiels et doivent être faites avec célérité. Une réflexion rapide sur le risque de contrepartie et de crédit dans solvabilité 2 s’impose ou s’imposera rapidement privilégiant le pragmatisme et qui sait, le modèle interne…

Dans ce domaine, comme dans d’autres W. Bagehot, fin observateur du monde financier avait prévenu contre les règles « automatiques » prudentielles en disant : « The probable demands upon the Bank are so various in amount, and so little disclosed by the figures of the account, that no simple and easy calculation is a sufficient guide. A definite proportion of the liabilities might often be too small for the reserve, and sometimes too great. The forces of the enemy being variable, those of the defence cannot always be the same. I admit »

La pandémie, un risque non assurable ? Dans l’état actuel de nos solutions…

On lit ici et là, dans le monde entier les discours de certains assureurs sur le thème « la pandémie n’est pas un risque assurable » en ajoutant comme si comparaison était raison « comme le risque de guerre d’ailleurs ».

On pourrait s’attarder un peu sur le « risque de guerre non assurable », car cette partie de l’assertion semble oublier qu’on assure régulièrement des transports vers des zones instables ou des zones de guerre, avions, bateaux et autres. Elle oublie aussi que des assureurs incluent dans leur police d’assurance vie des couverture de guerre « passive », c’est à dire sans participation active de l’assuré. Elle oublie enfin que nombreuses sont les armées qui sont au monde couvertes dans le cadre d’opérations extérieures dans des situations actives de participation à un conflit.

Cet exemple de couverture des risques de guerre est intéressante en ce qu’elle montre comment peut et doit procéder l’assureur. Il ne s’agit pas de couvrir toute la guerre ou toutes les guerres ou toutes les formes de guerre, mais d’isoler à l’intérieur de la guerre ce qui peut être couvert en prenant des précautions spécifiques.

Avec le temps, l’expérience et les statistiques, l’assureur étend progressivement ses couvertures et répond toujours mieux à ses clients. J’ai toujours pensé qu’un des rôles de l’assureur est de « repousser toujours plus loin les limites de l’assurabilité… ». Un principe que les assureurs ont appliqué avec succès au cours des siècles.

Mesure-t-on bien les efforts d’imagination et d’innovation qu’il a fallu pour assurer les navires de commerce ? Du prêt à la grosse aventure des Génois et des Venitiens du 12ème siècle au Lloyds du 17ème siècle, il a fallu de la persévérance pour assurer les navires. Et on ne l’a pas fait en pensant « les navires ne sont pas assurables », dans un monde où la perte des cargaisons pouvait atteindre des probabilités de près de 30%.

Mesure-t-on bien l’esprit d’aventure des premiers assureurs vie au 17ème siècle en Grande Bretagne se lançant avec l’aide de tables pour le moins primitives ? Ils n’ont pas hésité à assurer l’inassurable de l’époque.

Qui plus est, tous ces innovateurs allaient à l’encontre des représentation admises du monde, comme l’a montré Bernstein dans « Against the Gods, the remarquable story of risk »

Il y a tant d’exemples de risques non assurables devenus assurables que leur liste remplirait cet article, des couvertures des catastrophes naturelles aux progrès en matière de couverture des risques dits aggravés en assurance vie. Et ces innovations ne concernent pas seulement les couvertures, mais aussi les méthodes de financement, des contrats paramétriques aux insurances linked securities. Dans cette dernière catégorie, on pourra même citer les obligations… pandémie de la Banque Mondiale, conçus avec l’aide de Swiss Re et Munich Re.

Qu’on s’entende bien, je ne dis pas ici que le risque pandémique est aujourd’hui couvrable et que je possède la solution miracle. Je dis seulement que l’assureur ne doit employer les termes « non assurables » qu’avec modération. Au minimum doit-il ajouter « dans l’état actuel de nos solutions », et idéalement il devrait dire « mais nous y travaillons activement ».

L’innovation ne consiste pas à assurer l’assurable, mais bien plutôt à trouver les voies d’assurer « l’inassurable » d’aujourd’hui. L’assurance ne consiste seulement en capital de solvabilité requis, règlements en place et rendements des placements. Elle est et sera toujours une aventure au service des clients, une aventure où l’assureur doit aussi « aller hardiment là où personne n’a encore osé aller ».

Communication des assureurs à l’ère du covid19- Dons, sinistres et dividendes

L’observateur du monde de l’assurance peut aujourd’hui rapprocher des phénomènes de communication épars dont l’articulation générale laisse perplexe.

Le premier phénomène, c’est la floraison de dons faits par les assureurs aux associations en tout genre, le développement des initiatives en faveur de tel ou tel fonds, de la croix rouge, d’associations impliquées dans la lutte contre le covid19. Il n’est pas de jour sans que les sociétés d’assurance ou leurs associations professionnelles n’annoncent une nouvelle initiative, et la liste mondiale en serait trop longue pour la donner ici. On ne peut contester les motivations de ces initiatives, elles doivent cependant être vues à la lumiere d’autres éléments.

Le deuxième phénomène ce sont les déclarations ambiguës ou carrément négatives sur l’idée de couvrir les conséquences de la pandémie en matière de sinistres. Alors que la communication sur les dons citée plus haut est claironnée à tous les vents, celle sur la réticence à régler les sinistres liés au covid 19 en matière de pertes d’exploitation est plus discrète. On a déjà écrit ici que cette communication est à la fois techniquement valide et politiquement inaudible (Et si les assureurs étaient en train de perdre la bataille de la communication en matière de Corona virus ?). Cette reticence, parfois bien fondée je le rappelle, est en train de susciter une vague mondiale de procès dont on peut parier qu’ils prendront des années et ne se conclueront pas forcément au profit des assureurs. Elle conduit aussi des hommes politiques à appeler les assureurs à leurs responsabilités sans qu’on sache trop de quoi ils parlent, car on l’a déjà dit leur responsabilité n’est pas de payer des sinistres non dûs. Sans doute n’est ce qu’un simple effet de rethorique visant à faire plaisir à leurs électeurs qu’ils savent mécontents.

Le troisième phénomène ce sont les déclarations de suspension de paiements de dividendes qui commencent à apparaître ça et là. Pour être honnête, les sociétés sont largement encouragées dans cette voie par certaines autorités. On a du mal à comprendre ce qui motive cette étrange recommandation des régulateurs. On se rappelle leurs propos encourageants au moment des divers stress tests sur la solidité financière des compagnies d’assurance qui devait leur permettre d’absorber sans souci les crises à venir… D’un coup d’un seul voilà que la situation de liquidité serait devenue inquiétante au point de restreindre le paiement des dividendes, mais aussi des bonus… On serait tenté de dire « tous ces calculs pour ça ? ».

Toutes ces déclarations et phénomènes que je mets en perspective m’amènent à penser, de manière un brin caricaturale, que la crise du covid19 nous montre un monde étrange de l’assurance où les bons sentiments, sous forme de dons à faible dose et peu coûteux, chercheraient à remplacer le débat sur le rôle de l’assureur dans une pandémie et ses engagements vis à vis de ses actionnaires

Et si les assureurs étaient en train de perdre la bataille de la communication en matière de Corona virus ?

Il n’aura échappé à aucun français la petite phrase du président Macron hier soir à propos des assureurs. Cette seule phrase les invitant à « être au rendez vous » est la preuve que pour eux la bataille de communication autour du Corona virus est mal engagée.

Et pas seulement en France, un peu partout dans le monde, les assureurs sont « rappelés à l’ordre » par les gouvernants… de manière sans doute injuste car ils sont loin d’avoir démérités…

On ne peut pas dire qu’ils n’aient pas tenté de se défendre, les assureurs. Techniquement en introduisant à la volée des clauses d’exclusion, mais aussi médiatiquement dans des discours techniques sur l’impossibilité de régler ce pour quoi on n’a pas reçu de primes.

Ils sont même allés jusqu’à l’abondement de fonds de solidarité en France ou en Angleterre, mesures ô combien politiquement correctes, et dont on soupçonne qu’au mieux elle prouve au public que seul l’Etat peut « tordre le bras » des assureurs, au pire qu’il y a des trésors cachés prêts à être utilisés.

Tous ces barrages, qui semblaient destinés à détourner l’attention du public du « qui va payer pour mon sinistre corona », cèdent peu à peu et l’on serait tenté de paraphraser A. Laignel en disant « les assureurs ont techniquement raison, mais politiquement tort ».

Je vais tenter ici de décrire ce qui me semble avoir été des erreurs de communication. Je me guarderai de donner des leçons tant je sais par expérience la difficulté de prendre des décisions dans les crises, je me contenterai du regard du « spectateur engagé ».

La première erreur tient sans doute à la (trop) lente réaction des assureurs dans une branche qui concerne tout un chacun, l’assurance automobile, dont le public a senti de manière évidente que les limitations de déplacement permettrait qu’elle devînt très bénéficiaire en mars et avril. Les assureurs américains ne s’y sont pas trompés : dès le mois d’avril, pratiquement une semaine après leur confinement, ils annonçaient déjà le remboursement des primes. Agir sur l’assurance automobile c’est agir sur la branche qui concerne tout le monde, c’est créer un capital général de sympathie dont on pourra peut être bénéficier dans les autres branches.

La deuxième est d’avoir oublié les mesures de bon sens. Le remboursement des primes automobiles l’illustre. Pourquoi devrais je payer une prime alors même que ma voiture reste au garage ou sert moins en période de confinement ? Rembourser les primes d’une assurance qui ne « sert pas » c’est respecter « le bon sens prêt de vous » et crédibiliser l’attitude de l’assureur. Il permet d’éviter les accusations d’enrichissement sur le malheur des autres. Le discours de la mutualisation inter branche qui propose de garder les profits de certaines pour payer les pertes des autres ne passe pas forcément, surtout si l’on a déjà averti qu’on ne paiera pas les sinistres de « l’autre branche ».

La troisième erreur tient dans la simplicité des solutions offertes. Un peu partout dans le monde, les assureurs ont commencé par offrir des solutions « complexes », à parler de fonds de solidarité ou de budgets consentis à des grandes causes au lieu de parler de mesures « directes ». Ces mesures là ont fait long feu pour plusieurs raisons, à mon avis. La première est qu’elles projetent l’assureur dans un monde qui n’est pas le sien : celui de la solidarité. Il éloigne le public du métier de l’assureur. Les solutions simples, frappées au coin du bon sens, comme rembourser des primes parce que la voiture ne sert pas ou trouver une raison de payer un sinistre, ont ceci en commun qu’elles profitent directement à la poche de l’assuré, qui après tout, et les assureurs ne doivent pas l’oublier, ne voit dans ce dernier qu’un payeur ultime en cas d’accident de la vie.

La guerre de la communication est elle perdue pour les assureurs ? Sans doute pas, mais il leur faudrait réagir plus vite, ne pas hésiter à sacrifier des profits dans les branches les plus importantes pour les assurés, proposer des solutions simples qui remplissent la poche des clients.

Il leur faut aussi se rappeler que, comme le disait G. Lebon : « Ce n’est plus dans les conseils des princes, mais dans l’âme des foules que se préparent les destinées des nations. »… et des assureurs.

Quand les réassureurs se réassurent…

Les années récentes ont largement montré au public l’existence d’un acteur peu ou pas connu de l’assurance, le réassureur.

Ainsi au fil des articles le réassureur est apparu dans l’ombre de l’assureur. À un monde où l’on voyait l’assureur comme le porteur unique du risque, s’est substitué un monde plus en nuances où l’assureur partageait les risques pris avec le rassureur. Les catastrophes naturelles, les événements majeurs ont amené à la une des journaux ces « assureurs des assureurs ». Le public a commencé à voir que le porteur ultime du risque pouvait être dans certains cas le réassureur, ce qui, en incidente, simplifiait les explications des réassureurs dans les dîners en ville sur leur métier…

Au moins le public le croyait-il… Car la chaîne du transfert des risques ne s’arrête pas au niveau du réassureur. Le risque n’est pas toujours de manière ultime porté par le réassureur, ce dernier peut lui-même choisir de céder tout ou partie des risques acceptés à une autre compagnie, nommée rétrocessionnaire. Ce nom précise bien que ce nouvel acteur dd la chaîne du risque reprend des risques déjà cédés.

Le rétrocessionaire agit lui-même comme un réassureur vis à vis du réassureur. Il peut être un acteur spécialisé dans la rétrocession, mais aussi un réassureur acceptant le risque d’un autre réassureur ou un véhicule spécifique (SPV). Les motivations à rétrocéder sont très proches de celles qui conduisent l’assureur à se réassurer, volonté d’éclater le risque, nécessité d’alléger le capital nécessaire à l’activité, etc.

Or cet acteur attire aujourd’hui l’attention. Après des années où il a contribué à alimenter un marché « soft », réceptacle ultime des risques dans certains secteurs et des pertes, voilà qu’il « fait entendre sa voix » en augmentant ses prix ou en serrant ses conditions d’acceptation des risques.

Or ce mouvement ne doit pas être négligé en particulier dans l’analyse des acteurs « intermediaires », assureurs ou reassureurs. L’analyste KBW note ainsi: « We expect January 1 reinsurance renewal pricing reviews to discuss rising retro rates that should drive higher catastrophe reinsurance pricing during upcoming April and June/July renewals, » établissant le rapport entre rétro et réassurance.

En effet, lorsque le retrocessionnaire décide d’augmenter ses prix, il crée mécaniquement un « effet ciseaux » car cette augmentation ne va pas se transmettre instantanément aux marchés. Elle devra passer par l’augmentation des prix du réassureur puis par ceux de l’assureur au client final. Ce mouvement se traduit donc par une baisse des marges des intermédiaires à court terme, le temps qu’ils puissent réajuster leurs prix. Le même mécanisme est à l’œuvre lors du marché « soft »où les intermédiaires bénéficient du décalage entre baisse des prix de la rétrocession et sur le marché.

Cette réalité ne touche pas tous les secteurs de la réassurance car la rétrocession pèse d’un poids très différent selon les branches et les compagnies. Mais les années recentes, marquées par l’abondance monétaire ont fait croître l’importance des rétrocessionaires, traditionnels ou « alternatifs » (SPV). Ce fait a sans doute joué un rôle dans l’allongement des cycles et la moindre variabilité des marges.

Unités de compte vertes : pourquoi faut il les « imposer » dans la gamme des assureurs ??

La loi Pacte a été adoptée. Elle comprend un volet « assurance » et comme toute nouvelle loi en matière d’épargne, elle suscite des espoirs chez les opérateurs, banques, assurances, intermédiaires financiers. Et comme toujours cette loi amènera son lot de joies et de peines, ses succès et ses échecs, mais il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions.

Le ministre des Finances nous l’a dit, tous les produits précédents n’étaient ni assez souples, ni assez transparents ni assez performants… Tous défauts désormais disparus, comme d’ailleurs les précédents ministres nous l’avait promis dans les précédentes lois. Désormais dans les twits du Ministres du 25 octobre 2019, le contrat euro croissance est « plus simple, plus flexible et plus lisible » alors que les PER « sont plus simples, plus souples et plus avantageux »…

Nous nous arrêterons aujourd’hui sur un seul élément de la loi et qui concerne les unités de comptes. Comme l’a twitté le Ministre le 25 octobre 2019 : « La loi #PACTE impose aux assureurs de proposer des assurances-vie en unités de compte vertes et solidaires. La finance sera verte ou ne sera pas. »

Il manque évidemment le point d’exclamation à fin du twitt qui lui aurait donné tout le caractère martial d’une déclaration de guerre à la finance actuelle, condamnée à verdir ou à mourir. La devise du Ministère des finances sera désormais « la verdure ou la mort! »

On s’étonnera plutôt du « la loi impose aux assureurs ». Pourquoi la loi doit-elle imposer aux assureurs de proposer des unités de compte vertes et solidaires ? Pourquoi diable les assureurs doivent-ils être forcés à proposer ?

Il ne s’agit pas même ici d’une obligation de vendre, mais seulement d’une obligation de proposer. Voilà donc des assureurs qui, spontanément, ne jugeraient pas utiles de proposer des unités de comptes vertes ? Voilà des assureurs qui ne voudraient pas volontairement étendre la gamme des choix proposés aux clients ? Alors que l’étendue de l’offre d’unités de comptes est souvent utilisée par les assureurs pour vendre leurs contrats, voilà que par un étrange hasard, ils refuseraient avec obstination de proposer des unités « vertes », à tel point que le gouvernement doive recourir à la loi non point pour qu’ils en vendent mais seulement pour qu’ils en proposent.

Le cas est d’autant plus étrange qu’il n’est pas d’assureur qui aujourd’hui ne proclame haut et fort son attachement à la « responsabilité sociale et environnementale » à longueur de conférences, interviews et rapports annuels.

Risquons une explication modeste : les clients en viendront sans doute d’eux-mêmes à acheter des produits « verts ». Il est même fort probable qu’ils en demandent déjà à leurs assureurs qui ne les leur refusent pas. Le Ministre impose donc ce que le marché est peut être en train de choisir volontairement…

Le twitt du Ministre ne serait alors qu’une application supplémentaire de la célèbre phrase de Cocteau : « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ».