L’annualité des clôtures des comptes s’impose à l’assurance comme aux autres activités. Née avant tout d’un impératif fiscal, la nécessité de payer l’impôt chaque année, la clôture des comptes annuelle est le lieu de toutes les approximations en assurance en général et dans le domaine des grands risques en particulier.
On a déjà signalé dans ces colonnes comment la lenteur de transmission des informations de l’assuré sinistré au réassureur rendent difficile toute évaluation précise, en particulier lorsque l’événement se produit en fin d’année. J’ai aussi écrit que les voies que prennent les sinistres sont parfois impénétrables.
En un mot, la volonté de fermer les comptes en assurance chaque fin d’année procède d’un acharnement certes louable mais peut être gratuit. L’essemble des communiqués de réajustement des charges de sinistres des tempêtes de 2017 en 2018 est là pour le montrer. On comprend mieux pourquoi les auditeurs font signer à leurs clients des « disclaimers » longs comme le bras.
Les assureurs sont bien convaincus de cette caractéristique de l’assurance qui veut que les comptes doivent en fait rester ouverts un certain temps après la fin de l’année de souscription.
Dans le cas des Lloyds, où l’on fait ce métier depuis 300 ans, les comptes des syndicats restent ouverts 3 ans à la suite desquels la clôture s’accompagne d’un accord de Reinsurance to close (RITC) transférant les engagements marginaux. Hérité d’une époque où le naufrage d’un bateau n’était connu qu’à long terme, cette pratique s’est maintenue, non sans intérêt.
Mais l’annualité des comptes (voire la trimestrialité des comptes) n’a pas qu’un objet fiscal, dans le monde moderne elle permet aussi aux actionnaires de disposer de l’information nécessaire à arbitrer en permanence leurs investissements. En un mot pour satisfaire l’idée de continuité des marchés, les assureurs se livrent à des exercices de clôture tout « conventionnels » que les actionnaires acceptent dans le cadre d’un grand « commerce des promesses ».
Certains imaginent que l’IFRS y portera une quelconque solution… Qu’ils se détrompent, jamais l’alchimie n’a mieux résolu les problèmes que la magie noire (ou l’inverse), et l’IFRS toute pleine de « juste valeur » (sans qu’on sache trop à quelle justice ou justesse fait référence ce « juste ») ne fera qu’ajouter à la confusion…
Et si tout simplement le marché financier, avec ses impératifs de court terme, n’était pas adapté à l’activité d’assurance ? La question mérite d’être posée. La responsabilité limitée et de court terme de l’actionnaire, qui sera peut être loin lorsque la réalité des comptes apparaîtra, n’est peut être pas la plus conforme au monde de l’assurance. Est-ce aussi pourquoi le marché a souvent inventé des formes alternatives de financement, comme la mutualité, les syndicats des Lloyds, les PI clubs ou la simple possession familiale des sociétés ?
En un mot l’annualité des comptes sert les impératifs de deux acteurs de court terme, l’Etat et l’actionnaire infidèle, peut être pas ceux de l’activité d’assurance.