L’eurocroissance, plus importante réforme de l’assurance vie depuis…

La grande offensive des assureurs pour la promotion du contrat euro croissance a commencé, ou a t elle, comme diraient les anglais ?

Au milieu du concert de louanges, tellement unanime qu’on pourrait le croire orchestré, la dernière déclaration du patron des patrons d’assurance étonne un peu.

Lors des rencontres parlementaires de l’epargne, Bernard Spitz a en effet déclaré que l’euro croissance serait la « plus importante réforme de l’assurance vie depuis des années ». Pour les plus anciens dans ce secteur, pas de quoi émouvoir qui que ce soit, toutes les réformes petites ou grandes de l’assurance vie ont été décrites à leur tour comme « la plus importante réforme », la « mère des réformes ».

Ce qui est plus étonnant, ce sont les références choisies par le président de la FFSA pour illustrer son propos, rapportées par l’Argus des assurances du 29 janvier : l’eurocroissance est « la plus importante réforme depuis le lancement des PERP, il y a 10 ans, des contrats DSK, il y a 15 ans, et même de l’apparition des unités de compte, il y a 30 ans » : l’eurocroissance serait aussi important pour l’assurance que le Perp le produit DSK ou le contrat en unités de compte ? de quoi laisser Perp…lexe plus d’un assureur.

D’abord parce cette déclaration mélange des inventions fiscalo-étatiques (Perp, DSK) avec une invention du marché libre (le contrat en unité de compte).

Ensuite parce que le produit le plus proche de l’état actuel des projets sur l’eurocroissance, l’eurodiversifié, n’est pas porté au rang des « grandes réformes de l’assurance vie des dernières années ».

Enfin et surtout parce que le Perp ou le DSK, comme l’eurodiversifié, ça ne nourrit pas son assureur.

Les chiffes sont là pour le dire. Le DSK, fièrement baptisé du nom du ministre Strauss Kahn, est l’histoire d’un échec. Malgré un « relifting » sous le nom de NSK (comprenez « nouveau DSK ») Les provisions mathématiques accumulées sur ce contrat sont de 6,8 milliard d’euros et elles décroissent régulièrement (elles se montaient à 7,9 milliard en 2008).

Quant au Perp, les chiffres sont tout aussi faibles, puisque les provisions sont de 8,8 milliard d’euros à fin 2012.

Que ces deux produits aient le mérite d’avoir été imaginés par des gouvernements de droite ou de gauche suffit sans doute pour en faire des références incontournables. Citer plutôt le produit Afer, matrice du contrat à versement libre qui constitue l’essentiel du marché aujourd’hui, porté par un homme, presque malgré les gouvernements de l’époque (G Athias), n’aurait pas eu le même impact : les grandes réformes du marché doivent être le fait de l’Etat…

A moins que ces références ne soient un message subliminal adressé au gouvernement. Le Président de la FFSA ne cache pas non plus ses doutes lorsqu’il déclare à la même tribune, sur ce même sujet :  » le diable est dans les détails ». Très bon communicant, il cherche peut être à dire avec subtilité au gouvernement, grâce à ses références, que le contrat eurocroissance court le risque de n’être qu’un contrat limité, une révolution dans les termes, un échec dans la pratique.

Le comparer à trois produits qui sont loin d’avoir le succès du contrat en euro (succès qui ne se dément pas) c’est avertir le gouvernement que la partie n’est pas gagnée et qu’il ne devra pas ménager sa peine s’il veut que les assureurs le vendent et que les assurés l’achètent.

Il faut plutôt en faire un nouveau contrat Madelin, exemple de succès fondé sur des principes évidents : fort avantage fiscal, simplicité de l’instruction fiscale initiale, adaptation aux demandes d’une cible clairement identifiée. Ce contrat a désormais 27,7 milliard de provisions au titre de la retraite des indépendants, soit trois fois plus que le Perp et quatre fois plus que le DSK, tout en s’adressant à une population bien plus limitée.

Puisqu’on nous promet que le gouvernement est engagé dans un grand tournant « libéral », il pourra le prouver en appliquant pour l’eurocroissance ce précepte : « enrichissez vous ! par l’épargne, et dans un cadre simple ».