Quand les réassureurs se réassurent…

Les années récentes ont largement montré au public l’existence d’un acteur peu ou pas connu de l’assurance, le réassureur.

Ainsi au fil des articles le réassureur est apparu dans l’ombre de l’assureur. À un monde où l’on voyait l’assureur comme le porteur unique du risque, s’est substitué un monde plus en nuances où l’assureur partageait les risques pris avec le rassureur. Les catastrophes naturelles, les événements majeurs ont amené à la une des journaux ces « assureurs des assureurs ». Le public a commencé à voir que le porteur ultime du risque pouvait être dans certains cas le réassureur, ce qui, en incidente, simplifiait les explications des réassureurs dans les dîners en ville sur leur métier…

Au moins le public le croyait-il… Car la chaîne du transfert des risques ne s’arrête pas au niveau du réassureur. Le risque n’est pas toujours de manière ultime porté par le réassureur, ce dernier peut lui-même choisir de céder tout ou partie des risques acceptés à une autre compagnie, nommée rétrocessionnaire. Ce nom précise bien que ce nouvel acteur dd la chaîne du risque reprend des risques déjà cédés.

Le rétrocessionaire agit lui-même comme un réassureur vis à vis du réassureur. Il peut être un acteur spécialisé dans la rétrocession, mais aussi un réassureur acceptant le risque d’un autre réassureur ou un véhicule spécifique (SPV). Les motivations à rétrocéder sont très proches de celles qui conduisent l’assureur à se réassurer, volonté d’éclater le risque, nécessité d’alléger le capital nécessaire à l’activité, etc.

Or cet acteur attire aujourd’hui l’attention. Après des années où il a contribué à alimenter un marché « soft », réceptacle ultime des risques dans certains secteurs et des pertes, voilà qu’il « fait entendre sa voix » en augmentant ses prix ou en serrant ses conditions d’acceptation des risques.

Or ce mouvement ne doit pas être négligé en particulier dans l’analyse des acteurs « intermediaires », assureurs ou reassureurs. L’analyste KBW note ainsi: « We expect January 1 reinsurance renewal pricing reviews to discuss rising retro rates that should drive higher catastrophe reinsurance pricing during upcoming April and June/July renewals, » établissant le rapport entre rétro et réassurance.

En effet, lorsque le retrocessionnaire décide d’augmenter ses prix, il crée mécaniquement un « effet ciseaux » car cette augmentation ne va pas se transmettre instantanément aux marchés. Elle devra passer par l’augmentation des prix du réassureur puis par ceux de l’assureur au client final. Ce mouvement se traduit donc par une baisse des marges des intermédiaires à court terme, le temps qu’ils puissent réajuster leurs prix. Le même mécanisme est à l’œuvre lors du marché « soft »où les intermédiaires bénéficient du décalage entre baisse des prix de la rétrocession et sur le marché.

Cette réalité ne touche pas tous les secteurs de la réassurance car la rétrocession pèse d’un poids très différent selon les branches et les compagnies. Mais les années recentes, marquées par l’abondance monétaire ont fait croître l’importance des rétrocessionaires, traditionnels ou « alternatifs » (SPV). Ce fait a sans doute joué un rôle dans l’allongement des cycles et la moindre variabilité des marges.