Qu’est ce qui pousse les réassureurs à devenir assureurs ?

Dire de l'industrie de l'assurance et de la réassurance qu'elle se cherche est peu dire. Nous avons vu dans un article précédent qu'elle ne savait plus quoi faire de son capital et voulait le rendre à ses actionnaires faute de pouvoir l'utiliser (voir communauté agefi du 20/03/2017). Voilà maintenant que Swiss Re annonce sa volonté d'aller toujours plus au contact direct, à faire toujours plus d'assurance directe selon le terme des réassureurs.
Non seulement Swiss Ré ne sait plus quoi faire de son capital et le rembourse à ses actionnaires mais il cherche aussi à remplacer le middleman, l'intermédiaire entre lui et le client, l'assureur, voire l'agent ou le courtier… Les deux volets de ces stratégies des réassureurs ont, je pense, en commun une erreur en matière d'objectifs de rentabilité des opérations.

Nous avons vu dans un article précédent les raisons du rachat d'action par les réassureurs. Les réassureurs ne veulent plus de capital car il est abondant du fait de la politique des banques centrales et rapporte donc peu. Comme leurs objectifs de rendement n'ont pas changé, le nombre de projets qui "en valent la peine" a fondu comme neige au soleil.

Pour rentabiliser le capital qu'il leur reste ou qui leur restera les réassureurs essaient désormais une autre voie : l'élimination du middle man, de l'intermédiaire pour aller au contact direct du client et du risque. Cette idée mélange allègrement foi du charbonnier et thèmes "à la mode". 
Les thèmes à la mode c'est évidemment l'insurtech, la fintech, le bitcoin, la blockchain, l'intelligence artificielle et j'en passe dans lesquels les réassureurs comme les assureurs ont entrepris d'investir… nous en reparlerons une autre fois. 
La foi du charbonnier c'est la conviction que le réassureur est à même de remplacer le middle man qu'est l'assureur, et la sous-estimation du rôle et du travail que fait ce dernier.
Etre assureur ce n'est pas être réassureur, ceux qui ont fait les deux métiers le savent bien. Le réassureur ne sait et ne peut pas gérer. Son modèle économique est celui d'un gestionnaire de capital, qui "de minimis non curat". Les lois locales, la gestion individuelle des sinistres, la collecte des primes, la comptabilisation des opérations selon des impératifs fiscaux locaux ne sont pas sa spécialité. Son modèle doit fournir du capital au meilleur coût, ce qui l'a toujours poussé à déléguer les actes élémentaires de gestion à des middleman, les assureurs. Vus de certains états majors il s'agit là de détails mineurs. 

De plus la sagesse historique des réassureurs les a conduit à ne confier si possible leur destin qu'à des middle men avec du "skin in the game". L'assureur prend une part du risque et c'est une condition nécessaire pour garantir le follow the fortune et la convergence des intérêts entre les deux acteurs, garantie d'une gestion diligente du risque.
En un mot l'abondance de monnaie entraîne une baisse artificielle des rendements, qui fausse la mesure de la rentabilité, poussent de nouveaux acteurs dans une industrie qu'ils ignorent et poussent les acteurs en place à assumer des rôles qu'ils méconnaissent. A la fin de influence malfaisante de l'émission monétaire, si bien décrite par Mises et les économistes autrichiens, une industrie où chacun désire faire, sans le connaître, le travail de l'autre…